Fermez les yeux et pensez à quelqu’un que vous connaissez bien. Imaginez son visage. Pensez à ses sourcils, à ses lèvres, à la couleur de ses yeux et de ses cheveux. Visualisez la forme de son nez, la taille de ses pupilles, la proéminence de ses pommettes. Imaginez son regard, son port de tête… L’individualité demeure, et même si on ne peut se souvenir de chacun des aspects de la personne à laquelle on pense, on pourrait cependant la reconnaître n’importe où et à tout instant. De quoi se souvient-on alors? La mémoire va chercher au sein même du portrait décomposé par le temps ce qui lui fait défaut, révélant la capacité de notre esprit à reconstruire, jusqu’à un certain point. Mais que se passe-t-il lorsque le sujet est dépourvu d’identité, alors qu’il est, ou a été, un individu? À partir de quel moment le souvenir d’une personne en est-t-il réduit à cela? Qu’est-ce qui détermine l’existence de cette frontière au-delà de laquelle notre mémoire échoue? Pouvons-nous savoir qui étaient réellement ces personnes inconnues, que seul le photographe a pu doter de réalité? Mémoire présente des portraits qui se décomposent devant notre regard, par interférence avec les images de notre esprit, et qui nous demandent désespérément de les reconstituer afin que soient préservées leur identité et leur personnalité. Mais nous ne pouvons que l’imaginer, révélant ainsi l’identité telle qu’elle est vraiment : une pure fiction.
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